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▲ Les Ruines.
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MessageSujet: ▲ Les Ruines. ▲ Les Ruines. 1523541311-horlogeMer 10 Juil - 21:20
▲ Les Ruines. 8907c11ce7ec65fc6587a8a74c6d2ce3-d4n0uik_imagesia-com_9r7m


Certaines personnes tentent encore d'ouvrir le passage secret qui mènerait, dit-on, de Majka à Edenis grâce à un réseau de tunnels. Pourtant l'entrée, aussi bien que le mécanisme d'ailleurs, restent dissimulés aux yeux de tous. Les écrits nous informent sur deux choses, la première étant que si un jour quelqu'un venait à trouver le passage, celui ci se refermerait au bout de 15 minutes, ce qui ne laisserait le temps de faire sortir qu'une seule et unique personne, puis qu'il resterait clos pour une durée d'un mois. La seconde information est la suivante : "Au sol se trouve un symbole et il est dit que le même se trouve dans les cachots de la ville voisine." Si cela peut vous aider...
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MessageSujet: Re: ▲ Les Ruines. ▲ Les Ruines. 1523541311-horlogeSam 23 Déc - 22:08








 Un pas après l’autre, il avançait péniblement.
La galerie creusée à même la roche était étroite et sinueuse. Il n’y voyait rien. La lueur de la flamme était à peine suffisante pour éclairer la paroi contre laquelle son épaule frottait inlassablement. Ses pieds se heurtaient sans cesse aux irrégularité du sol. Parfois, c’était le craquement sinistre d’un un vieil os blanchi qu’il écrasait qui le surprenait. Il ne comptait plus les cadavres qu’il avait croisés, pas plus qu’il ne cherchait à faire la différence entre les reste de lapin et les carcasses d’explorateurs. Les tunnels étaient si profonds et si tordus que la plupart des créatures qui s’y étaient osées s’y étaient égarées.

Il grogna lorsque ses orteils nus cognèrent une énième fois la pierre saillante. Son poing serré sur la hampe d’une torche s’écorcha sévèrement sur le roc lorsqu’il tenta d’éviter la chute. Il ne pouvait se permettre de lâcher le bien que son bras droit supportait.
Un souffle rauque et altéré quitta ses naseaux. Il dû faire un effort pour se redresser. Ses muscles épuisés et endoloris peinaient à supporter cette marche forcée dans les entrailles de la terre. Il les sentait protester à chacun de ses pas. Il avait besoin de repos.
Il avança encore. Le silence qui régnait jusqu’alors fut rompu par le tranquille goutte à goutte des stalactites. L’écho irrégulier du choc de minuscules perles de calcaire sur le sol froid parvenait à ses oreilles de façon bien plus nette au fur et à mesure qu’il s’approchait. Leur douce mélodie était reposante.

La galerie s’élargit enfin. Bientôt, elle déboucha sur une grande anfractuosité. De vieilles dalles fissurées remplacèrent le sol chaotique du tunnel désaffecté. Les larges racines qui en jaillissaient indiquaient qu’il n’était plus si loin de la surface.
Il leva son flambeau. Une gigantesque statue s’élevait vers le haut de la cavité, les deux mains jointes, ancien réceptacle d’un artefact immense qui gisait désormais au fond d’une eau céruléenne.
Le bassin naturel faisait bien la moitié de l’excavation. L’un des bords encadré d’un liseré anthracite s’était effondré, détruit sous la patte puissante de la créature qui vivait là des siècles plus tôt.

Un bruit retint son attention. Il se tourna lentement, il manquait d’énergie pour rester sur le qui-vive. Son regard s'agrippa à une petite silhouette qui disparaissait dans les ombres vivaces. Un rongeur, peut-être même un léporidé égaré. Il y avait bon nombre d’ossements qui correspondaient à ce petit gabarit, entassés au milieu d’autres débris un peu plus loin. Des morceaux de bois, des plumes ou de vieux tissus, reliques de vêtements qui recouvraient de plus grands squelettes. Le nid du basilic était assez large et suffisamment garni pour indiquer que le reptile régnait en maître dans ces lieux depuis plusieurs années.
Il s’approcha. Sur le pilier tout proche était fixé un large brasero de métal qu’il s’affaira à allumer. L’éclat qu’il ne tarda pas à émettre était bien plus puissant que la simple flamme qui brûlait autour du vieux tissu, mais sa chaleur n’était en rien suffisante pour réchauffer l’immense cavité.
L’homme frissonna. Le froid et la douleur avaient engourdis ses membres. Il ne sentait plus qu’une confuse brûlure là où sa chaire était ouverte, à vif, écorchée ou perforée.
Il dû faire un dernier effort pour s’asseoir. La roche contre son dos était gelée. Celle sous ses pieds glaciale. Il se recroquevilla autour du bien qu’il transportait depuis plusieurs jours et ferma enfin ses paupières fatiguée, sombrant en un instant dans un sommeil lourd et tourmenté.


►◄



Le temps n’était pas au beau fixe. L’astre solaire était bien souvent dissimulé derrière les nuages. Ses rayons, tantôt absorbés par les cristaux de glace d’un altostratus, tantôt entièrement effacés par la masse compacte d’un nimbostratus, parvenaient avec peine à caresser les ruines de la cité rebelle. Neige et pluie se succédaient si souvent qu’on en oubliait les rares moment d’accalmie. Tous les réfugiés étaient murés dans les dortoirs, recroquevillés sous des draps ternes devant l’âtre d’un feu qui peinait autant à réchauffer leurs corps que leurs coeurs. Les enfants s’amusaient comme ils le pouvaient, occupant leur temps avec de vieux jeux de sociétés retrouvés dans les décombres des mois plus tôt ou une énième partie de cache-cache dans l’aile des résidents. Pourtant, ils peinaient à s’y consacrer pleinement. De chacune des fenêtres les marmots voyaient les lourds flocons qui tombaient de la voûte d’un gris perle opaque jusqu’à s’effondrer sur le sol, nimbant la cité d’un épais voile opalescent. Mais privés d’une excursion jugée trop dangereuse par l’ensemble des adultes référents, il leur était impossible de sortir pour en profiter.
Deux audacieux avaient un jour eu l’impudence d’échapper à la garde de l’une des infirmière. Il s’étaient faufilés dans les immenses escaliers alors qu’elle avait le dos tourné, dans l’optique de filer par les cuisines. La porte n’était jamais fermée, et à cette heure, les marmitons se reposaient bien au calme à l’étage.
Un garde les avait trouvés dans la poudreuse, les mires écarquillées d’émerveillement, le sourire béat. La rouste qu’ils avaient récolté avait marqué leur épiderme pour le reste de la journée sans pour autant leur faire passer le désir de s’aventurer dans la neige immaculée. L’exemple avait pourtant servi pour l’ensemble des rejetons, et plus aucun n’avait osé s’évader par la suite.

La ville était devenue bien trop dangereuse. Les adultes n’osaient plus sortir du bâtiment la journée, et c’était à peine si l’un d’eux avait le courage de pointer son nez dans les quartiers innoccupés une fois la nuit tombée. L’ambiance n’était plus morne, elle était devenue sinistre et oppressante.
La majorité des rescapés vivait dans la crainte d’une attaque imminente. Les autres pleuraient les conséquences d’une altercation passée, hurlaient contre l’injustice d’un méfait pas même infirmé.
Le décès de la quasi totalité des soldats envoyé aux quatre coins de Rasguar avait secoué la plèbe. La décision incompréhensible du chef avait soulevé les familles et amis des victimes contre lui. Incapables de voir autre chose qu’une vaine manoeuvre pour débusquer la bête, ils avaient l’horrible sensation que les soldats aient servi d’appât. Des chèvres laissées attachées au milieu d’une ville en ruine dans l’espoir d’apercevoir un loup que jamais personne n’avait pu saisir. Il ne s’agissait même pas de le tuer.
Leurs plaintes et revendications se heurtaient sans cesse à un mutisme éloquent. Le dragon réfugié dans sa tanière ne daignait pas même sortir pour se confronter à ces accusations, et de son silence, il leur donnait même davantage raison.
L’éternelle  figure sage et éminente du reptile smaragdin s’était soudainement fissurée, trahissant un masque que jamais quiconque n’avait soupçonné. La confiance ébranlée d’une minorité de rebelles risquait de ne jamais être réhabilitée.

L’Insensible prenait lentement conscience de l’ensemble des conséquences de cet acte. A force de passer dans les couloirs, de s’arrêter auprès d’un blessé, de s’occuper d’un malade. Ses oreilles indiscrètes s’attardaient involontairement sur des discussions privées, titillées par des chuchotements agressifs ou des termes hésitants. Bien vite, on l’impliqua dans les débats, profitant d’une de ses haltes auprès d’un estropié pour obtenir son avis, profiter de son influence. La femme médecin avait une voix de valeur au sein de la Caserne. Certains espéraient qu’elle en joue pour pouvoir obtenir gain de cause.
Neutre et lointaine spectatrice, Never n’avait pu se résoudre à céder à leur supplications, mais elle fit la promesse d’essayer d’en savoir plus. Pourtant, dépassée par les malades, elle n’avait pas eu la moindre minute à elle pour s’en occuper. Et lorsqu’enfin elle eu l’occasion de s’adresser à l’une des autorités de Rasguar, ce fut pour une raison toute autre.


Elle n’entendait que le choc des coup de poing sur le sac de sable, la chaîne tinter à chaque impulsion, le souffle altéré de la boxeuse. Ses grognements de frustration, son anhélation de fatigue. Le gymnase vide amplifiait chacun des sons, même sa propre foulée.
L’Insensible s’immobilisa. Il n’était pas judicieux de surprendre la céleste en plein exercice. L’entrainement l’aidait à se vider l’esprit, le pugilat à se défouler. Ses échecs répétés et ses pistes infructueuses depuis le début des attaques alimentaient en elle un immense brasier qu’il devenait nécessaire d’apaiser. Never connaissait ce sentiment.

Un dernier impact fit céder le support. Le sac de frappe s’effondra lourdement sur le sol dans un ultime écho retentissant. Il ne demeura que la respiration saccadée de la générale pendant de longues secondes.

- Calmée ?

La rebelle se tourna vers elle. Elle grogna une réponse indistincte et attrapa la bouteille d’eau posée à même le sol. Elle la vida en deux maigres gorgées.
Ses cheveux immaculés tombaient confusément sur son front, s’agrippaient à la sueur qui maculait son épiderme. De nombreuses mèches s’étaient échappées de l’élastique lors du combat. Sa peau était rougie par l’effort. Le coton délavé de ses bandes de protections était taché d’écarlate. Ses plaies à vif peinaient à se refermer avec un tel acharnement.
La médecin s’approcha pour se saisir de l’une des paumes de l’immortelle. Ses doigts jouèrent avec le tissu jusqu’à l’avoir déroulé sur toute sa longueur. La chaire écorchée de la soldate avait laissé échapper un mince filet de sang de ses jointures. Prisonnier de la protection, il avait coagulé pour former une croûte sombre.

- Tu veux que je m’en occupe ?

Eminger secoua la tête. Elle soutira sa main de l’attention de la doc pour s’atteler à défaire la seconde bande. Ses yeux cobalts restaient fixés sur sa collègue.

- Non, ca ira. Tu avais besoin de quelque chose ?
- Tu devrais être plus attentive à tes affaires. Tisha se plaint depuis deux jours d’étranges bruits à la laverie. C’était ton portable qui vibrait contre un tuyau. Tu as reçu un sacré nombre d’appels, et puisque tu n’y répondais pas, moi aussi.

La brune sortit de sa poche le petit appareil électronique abîmé. La vitre fissurée, la coque déformée par de multiples chutes. Il n’était pas difficile de déterminer à qui il appartenait. Elle le tendit à sa propriétaire.

- Appelle ton frère avant que je me charge de le calmer moi-même. Il risquerait de ne plus pouvoir utiliser ses doigts pendant de longues semaines. Ce serait dommage.

L’Insensible esquissa un sourire taquin trop peu contagieux. Il devenait difficile de dérider la générale. Celle ci se contenta d’opiner tout en se saisissant d’une serviette.

- Je vais m’en occuper.


►◄


Une paupière s’ouvrit délicatement, bientôt suivie par sa jumelle. Deux iris amaranthe parcoururent un court instant les planches de bois irrégulières du plafond bas, puis d’un mouvement du chef, vinrent se poser sur le visage balafré du régent. Une esquisse taquine étira les lèvres de l’éphèbe.

- Et de trois. J’ai gagné.

Il laissa courir ses phalanges sur l’épiderme nu de sa muse. Les traits invisibles qu’il dessinait sur son ventre n’avaient de sens que pour lui seul. Il s’amusa un instant à suivre les lignes qu’une encre obsidienne avait tracée sur ses hanches voilà des années avant de tracer le contour d’une vieille balafre qui glissait sous son sein. Il était curieux d’en déterminer l’origine, mais la diablesse au charme ineffable se bornait à faire planer un certain mystère.

- Non. Regarde.

Elle désigna du menton la cage vide suspendue à l’une des poutre principale de son logis. Le ara aux plumes turquoise qui s’y était matérialisé s’agita soudainement, effrayé. Il battit des ailes pour s’élever. La frayeur qui avait saisi son maigre squelette le poussa à adapter un rythme erratique. Piaillant sa terreur, rendu maladroit par la panique, il ne cessa de percuter les barreaux de métal de sa geôle.
La force qu’exerca la sorcière sur l’oiseau l’épouvanta davantage. La cage se balançait désormais, mais le support était trop solide pour céder face à l’assaut de son prisonnier. La femme se redressa sur l’un de ses coudes. Les doigts de sa main droite se crispèrent lorsqu’elle imposa sa volonté à la créature. Ses lèvres s’étirèrent en un sourire suffisant alors que les premières plumes noircirent. Epuisé et malade, l’oiseau s’effondra bien vite sur le plancher de sa cellule.
Azael se redressa pour mieux observer les effets de la magie de sa soupirante sur cette nouvelle victime. Le ara agonisait davantage à chaque tectrice souillée. Son ramage terrifié avait laissé place à un soufflement horrifié, il ne pu bientôt que fixer le roi de ses deux prunelles émeraude, incapable du moindre mouvement. La lueur vive d’une intelligence humaine s’effaça peu avant son dernier souffle, titillant l’esprit mesquin du démon d’une ultime question sans réponse.

Le regard mordoré de l’artiste s’agrippa aux lèvres exquises de la muse satisfaite de son petit tour.

- C’est moi qui ai gagné.
- Dommage. Cet oiseau aurait été un spécimen unique dans ma volière. Tu m’en devras un autre.

La diablesse laissa échapper un rire cristallin. Elle tenait plus des nymphes que des harpies, c’était certain.
Elle déroula l’une des mèches ébène enroulée autour de sa phalange pour glisser sa paume sur la joue de son amant.

- Promis.
- D’où te venait-elle, celle-ci ?

Elle jeta un coup d’oeil furtif à la cage puis haussa les épaules, nonchalante.

- La dernière proie du fléau.

Azael arqua un sourcil puis céda à l’amusement face à tant d’insouciance. Une facette de son personnage qu’il appréciait tout particulièrement, même si d’autres fois, elle l'horripilait.

- Tu veux qu’elle s’énerve ?
- L’Ialke n’est pas si impulsif. Elle puis l’oiseau n’est pas vraiment mort. Pas tout à fait.

La belle aux iris parsemées de pigments grenat se redressa, quittant des draps froissés par une nuit d’ébats au profit d’atours qui trainaient sur le divan.
Toujours allongé, bercé des fragrances captivantes de sa compagne, le roi se plut à laisser son regard parcourir les formes capiteuses de la nymphe, à deviner le galbe d’un sein qu’il n’apercevait même plus tout le temps qu’elle passa à glisser le tissu sur sa peau halée.

Ses pas la dirigèrent vers la prison dorée qui ne renfermait plus que des corps sans vie. Ses doigts s’accrochèrent à l’une des tiges métalliques alors qu’elle revenait sur leur discussion.

- Regarde. Son corps est encore altéré. Je n’ai dû atteindre que la partie bestiale. .. Curieux. Je me demande ce qu’il lui arrive.

Elle pencha la tête. Il devinait l’ébauche de ce sourire prédateur qui étirait ses lippes, ressentait d’ici ce désir brûlant qui ravivait sa soif, cette appétence meurtrière qu’elle trépignait d’envie de satisfaire.

- Tu le sauras certainement quand j’aurai son rapport. J’attends d’ailleurs des explications. Ses derniers coups d’éclats ne sont pas passés inaperçus, le nombre de morts à Rasguar a mit tout le monde sur le pied de guerre. Mais depuis, plus rien. Qu’est ce qu’il lui prend ?

Azael avait reprit un ton plus sévère. L’idée que son plan puisse être mis à mal par l'insouciance et l’effronterie d’un pantin l’agaçait. Ce qui semblait plutôt amuser la sorcière.

- Tu avais accepté de croire en ses méthodes, je me trompe ? Fais lui confiance.
- Mf. Ta cadette y gagnerait à obtenir des résultats positifs d’ici peu.


►◄


- Seiryu ?

Seul l’écho de sa propre voix lui répondit.
Elle fit quelques pas dans la galerie, son chemin à peine éclairé par l’éclat diaphane de sa lampe torche. Les pierres inégales rendaient sa route incertaine, l’obscurité des profondeurs faisait palpiter son coeur. La générale était une créature des cieux, trop peu à l’aise dans les ténèbres des tréfonds. Elle se sentait oppressée par toute cette roche, cette masse de terre qui  menaçait de s’effondrer autour d’elle et de l'emmurer vivante.
Un coup d’oeil jeté dans son dos lui indiqua qu’elle ne s’était pas encore beaucoup éloignée de la surface. L’entrée du souterrain, tout en pierres et en racines, semblait aussi vieille que le monde. Un savoir-faire antique qui permettait au tunnel de tenir encore debout. Neeve était impressionnée que celui-ci ne se soit toujours pas effondré en dépit de tous les assauts menés par les hommes et les démons depuis l’aube des temps, mais elle était aussi inquiète. Le risque semblait d’autant plus grand. Pourtant, le souci qu’elle se faisait pour l’homme qui l’avait recueilli était bien plus fort. Elle n’hésita pas à faire fi de son appréhension pour se perdre dans le labyrinthe.



- Tu es là.

Neeve se tourna. L’immense crypte était si sombre qu’elle n’était parvenue à apercevoir son aîné dans les ombres. Il s’approcha, offrant son visage balafré à la lueur d’un brasero. Bientôt, ce fût l’ensemble de son corps estropié qu’il présenta à sa soeur. Les vêtements déchirés, poisseux d’un sang qui ne cessait d’affluer de ses veines meurtries, tremblant et affaibli. Pâle, cerné, le teint maladif, l’oeil hagard, l’air inquiet, perdu, malheureux.
Le voir dans un tel état souleva le coeur austère de la rebelle qui tenait bien trop à lui pour rester impassible.
Elle le rejoignit pour lui éviter de faire un pas supplémentaire. Ses doigts glissèrent sur sa joue sale avec une force difficilement contenue, poussés par ce virulent désir de l’étreindre, inassouvi par peur de le faire souffrir davantage. Un contact pourtant nécessaire, vital.
De ce geste anodin et dérisoire, elle s’assura de porter un court instant la peine du dragon blessé sur ses épaules, de lui transmettre son soutien, tout cet amour qu’elle avait alimenté au fil des ans par leur complicité sans cesse grandissante, de lui rappeler qu’il n’était pas seul, renforcer l’idée de sa présence à ses côtés, toute l’attention qu’elle lui consacrait, sa préoccupation, la douleur qu’elle avait à le voir ainsi.
La céleste sentit la tête du reptile appuyer sur sa paume pour approfondir ce lien profond et intangible qu’elle avait soudainement réanimé, elle ressentit encore davantage sa détresse, ce besoin qu’il avait de s’appuyer sur elle.
Une larme glissa jusqu’à son pouce, la première traitresse à passer les solides défense de la créature aux méches émeraudes, la première à l’ébranler. Seiryu ne résista pas plus, fatigué de se battre et dépassé par une émotion qu’il ne pouvait plus contenir. Il s’abandonna aux bras bienveillants de l’immaculée, déchargeant une peine qu’il avait retenue pendant des semaines en une série de sanglots difficilement étouffés, pleurant la mort d’une femme qu’il n’avait pu enterrer, maudissant la vie d’hommes qu’il n’avait pu tuer.




- Tu as ce que je t’ai demandé ?

L’enfant inébranlable renifla bruyamment. Il effaça les sillons humides que les perles salées avaient marqués dans la poussière et le sang qui maculaient sa face. Sa cadette lui tendit le lourd sac qui meurtrissait ses épaules depuis le début de son périple.

- Oui. Mais .. Raconte moi tout Sei.. Qu’est ce qu’il s’est passé ?

Il entrouvrit les lèvres puis les referma sur un mot à demi gémit. L’idée même de conter son histoire le faisait tressaillir. La jeune femme n’insista pas. Elle le guida lentement vers le bassin puis une fois là, lui retira ses haillons souillés. Elle s’occupa de laver sa peau, puis de le soigner, tendre et attentive, silencieuse pour ne pas le brusquer.

- On a été séparés il y a des mois. Enfin .. Elle était partie, sans prévenir. C’était trop dangereux pour elle de rester à Rasguar, mais d’autant plus de partir seule ..

Le garçon serra les dents. Il aurait pu éviter de la perdre si elle lui avait fait part de ses plans. S’il l’avait retrouvé plus rapidement. S’il avait tué tous ces monstres plus vite, ou s’il avait demandé de l’aide à sa cadette. S’il avait été plus intelligent, moins puérile, et pour des milliers d’autres raisons, elle pourrait être encore en vie.

- J’ai été acculé alors que je la recherchais. Des démons, mais pas uniquement. Des mercenaires peut-être, ou je ne sais quel groupuscule dissident. J’ai mit un moment à leur échapper. Je ne sais pas ce qu’il lui ai arrivé, quand je l’ai retrouvé elle était mourante. Et j’ai rien pu faire pour l’aider .. !

La culpabilité le saisit à la gorge, au delà de toute sa peine et sa douleur. Il aurait du rester à ses côtés jusqu’au bout.
Le reptile baissa la tête, fixant ses mains calleuses lavées de tout ce sang qui avait été versé. Les dernières effluves de la traîtresse s’étaient évaporée voilà des jours désormais. Il ne lui restait plus que de rares biens précieux pour se la remémorer.
Une poigne douce se saisit délicatement de son articulation, il releva ses mires d’or terni sur le visage de Neeve.

- Tu as fais ce que tu as pu. Mais tu n’as plus à te cacher.

Il secoua la tête et se dégagea de sa prise. Il eu toute les peines du monde à se remettre sur ses pieds. Ses jambes tremblantes manquaient de force, il ne parvenait à cicatriser.

- Tu ne comprends pas. Il vont continuer de le chercher, elle à tout fait pour les dissimuler aux yeux de tous, je ne peux pas courir le risque.. !
Le ? Les ? De quoi tu parles ?

Il s’éloigna, trainant le sac avec lui, un peu chancelant, suivit de près par la chef rebelle. Ses pas erratiques le guidèrent jusque une alcôve dissimulée par la végétation, invisible à quiconque ne soupçonnait sa présence. Il s’y engouffra et s’avança vers le tas informe de tissus et de fourrures qui gisaient sur la pierre froide.

- Les oeufs. Rega avait les oeufs d’une dragonne morte il y a bien longtemps, et elle était enceinte.

Il s’accroupit pour extirper du tas une petite créature endormie, pâle, les écailles parsemées de pigments smaragdins. Il referma précieusement son bras autour de l’animal qui se nicha tout contre son coude.
Seiryu releva deux pupilles démunies sur la céleste puis énonça d’une voix tremblante les derniers mots qui pesaient sur son coeur abîmé.

- C’est mon fils Neeve. Et je suis parti avec lui quand j’ai compris qu’elle ne s’en tirerait pas. Je l’ai abandonné lâchement pour le mettre en sécurité …


►◄


Ses phalanges tapèrent à trois reprises consécutives contre le battant de la porte close. Polie, elle patienta sans prononcer le moindre mot. Après cinq secondes passées sans obtenir de réponse, elle renouvela son geste, un peu plus franchement. Le choc du premier coup trouva écho à quatre autres reprises cette fois ci, sans que la moindre voix ne se fasse entendre. Sigma fit jouer ses cordes vocales, cédant à l’hypothèse que quelques mots seraient plus enclins à convaincre l’ermite capricieux qu’une persévérance à frapper contre une porte.

- Cain ?  

Silence. Elle réprima un son de contestation. Devait-elle s’énerver ? La femme médecin n’avait pas le caractère de la céleste, ni sa force pour faire face aux conséquences de ses palabres. De plus, la nouvelle qu’elle avait à annoncer risquait de provoquer bien trop de dégâts si le Commandant était déjà à cran.
Elle exhala un soupir. L’Insensible laissa sa paume à plat sur la planche de bois et y appuya son front.

- Cain, y’a encore eu un mort. Heiden.

De nouveau, elle patienta. Peut-être le dragon serait-il plus à l’écoute désormais ? Elle ne savait pas exactement quels rapports ces deux hères entretenaient. Il semblait tenir à elle. Pendant un moment, la doc avait même cru que la métamorphe puisse être la seule femme à pouvoir calmer les pulsions du reptile. Mais depuis le début du mois qu’il passait enfermé seul, sans s’occuper d’elle qui pourtant, requérait davantage d’attention au fur et à mesure que sa grossesse arrivait à terme, elle en doutait.
Ouvrirait-il malgré tout ?

Non. Toujours pas. Elle poursuivit.

- Il a encore changé de mode opératoire. Il a laissé son corps dans les ruines, mutilé. Sa .. tête, et l’enfant qu’elle portait dans un sac, juste à côté.

La scène était bien plus macabre que tous les meurtres passés. Incompréhensible. Never avait eu à se porter sur de nombreux cas ces dernières semaines, des cadavres abandonnés dans les rues de Rasguar, une traînée de morts injustifiés, la quasi totalité des soldats envoyé à la recherche du monstre. Tous avaient trépassé rapidement. Plusieurs arboraient un masque terrifié, peut-être étaient ils même morts de peur. D’autres d’une balle dans la tête, certains d’une attaque frontale, certains victimes d’un sort. Mais aucun n’avait eu droit à pareille mise en scène. Ou … Si c’était le cas, la jeune femme n’arrivait pas à le voir.
Cain était-il personnellement visé ?

- Ecoutes .. Je sais pas si ça veut dire quoi que ce soit. Mais si tu veux voir le corps, elle est dans la morgue, au sous sol. On ne l’a pas encore brûlée..

La belle releva la tête, espérant une ultime seconde que son interlocuteur appuie sur la poignée. Au lieu de cela, ses oreilles perçurent le son particulier d’un verre brisé, conséquent. Un vase ? La télé ? Une table ? Puis un grognement.
L’instinct protecteur de l’humaine s’éveilla. Il la poussa à outrepasser le besoin d’intimité du reptile pour pousser le battant. La doc avait cet avantage que son statut lui assurait, cette position privilégiée de scientifique, infirmière un peu trop maternelle et souvent trop autoritaire dès lors qu’il s’agissait d’une blessure qui, sous prétexte de son inquiétude ou de son savoir, lui permettait de s’en sortir face aux excès émotionnels de ses patients. Cain comprit.
Son geste rencontra bien trop vite une résistance. Un meuble qui bloquait la porte dénuée de serrure. Elle fronça les sourcils. L’entrebaillement lui laissait à peine de quoi voir une partie du salon. Un tapis auburn, rendu ébène par l’obscurité qui y régnait.

Sur celui ci, une petite boule blanche, minuscule animal d’albâtre qui, prit de fatigue, ouvrit la gueule en grand pour détendre ses muscles faciaux.
L’Insensible se raidit, incapable de croire en ce qu’elle voyait, persuadée jusqu’alors que tous les spécimens de cette race quasi éteinte n’arrivaient plus à assurer leur descendance.








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